Je réfléchis une minute ou deux concernant l'attitude à adopter, partir de suite ou attendre les rayons salvateurs du soleil. Constatant que je suis face à l'ouest, et que derrière moi se trouvent des falaises, j'en conclus qu'il faudra que j'attende un bon moment avant que le soleil passe au dessus pour me réchauffer. De plus faire de l'exercice physique est certainement le meilleur moyen de récupérer l'usage de l'extrémité de mes pieds. Je remballe et reprends la route.
Ça caille !!! J'enfile des chaussettes sur mes mitaines pour ne plus avoir froid aux doigts, et mon keffieh autour du cou. Heureusement la route descend, et à l'entrée d'un petit village je tombe sur un e petite épicerie. J'entends la patronne discuter avec un client :
« - Fait pas chaud ce matin hein !
-Ah m'en parlez pas, 6° quand je suis parti de chez moi ! »
Et pourtant ils n'ont pas passé la nuit dehors, eux!
J'en profite pour acheter du chocolat (du sucre, et le meilleur antidépresseur!), un petit pain pour le p'tit dej, et remplir mon bidon d'eau.
A peine plus loin je m'arrête au bar central, pour prendre un chocolat chaud, un jus d'orange et me réchauffer durablement. Il est tenu par un couple de p'tits vieux, super gentils, qui semblent s'écrouler sous le poids des années. Je m'installe dans le fond, sors mon netbook et commence à rédiger ce billet.
Les habitués du petit noir se succèdent au zinc, sur ambiance légère de musette qui émane de la radio. J'aime bien la musette, je sais pas pourquoi, et particulièrement dans un endroit comme ça, même si ça fait très cliché franchouillard.
Certaines conversations me font rire, et particulièrement les « Fait sacrément frisquet ce matin! » qui viennent aux lèvres de chaque client sans exception. Ça parle des merles qui bouffent les fruits, des martres qui causent des dégâts et déciment les pigeons d'élevage, de cet été pourri (« C'est déjà fini l'été, moi j'vous'l'dis! Ah c'est bien un monde ça!»), du chien d'un client sauvé in extremis, d'un autre client qui vient de perde le sien, et d'une vache d'un paysan du coin qui aurait chopé la vache folle (« c'est comme ces cochons d'anglais, avec leurs vaches clonées, qu'ils congèlent. On est empoisonnés, ils sont fous! »
Je passe donc un agréable moment, mais il est déjà 9h15, je suis réchauffé, je termine mon billet et il est temps de reprendre la route. Avec un agréable souvenir en plus.
La route descend dans un premier temps, ce qui me semble parfait pour un échauffement, mais je ne tarde pas à me rendre compte que ça ne va pas durer, car il n'est pas vraiment possible de suivre la Loire. Dans les gorges, il faut monter les cols, et les descentes salvatrices paraissent bien courtes pour récupérer. Néanmoins les paysages sont jolis, un petit vent vient me rafraichir, je passe dans des petits villages sympas.
Croisant des panneaux indiquant une fête médiévale à Bas-en-Basset, je décide de faire le détour. Mais dans la montée, voilà que mon dérailleur avant se met à faire des siennes : impossible de passer le petit plateau. Je mets environ une heure à le régler, et encore pas parfaitement, car du coup je ne peux plus passer sur le grand plateau. Mais c'est un bon compromis, car je l'utilise très peu comparé au petit. Finalement j'abandonne l'idée de cette fête médiévale et me concentre sur la route, car demain c'est dimanche et il faudrait que je trouve une boutique de cyclisme pour me faire le bon réglage encore aujourd'hui. Frustration supplémentaire quand j'aperçois des gens dans un champ en train de faire de l'aéromodélisme. J'aurais bien aimé avoir le temps d'aller à leur rencontre et voir voler ces engins de près, mais bon...
Au bout de 80km, je m'arrête à Aurec sur Loire, un joli village, pour boire une petite mousse dans un café près de l'église. Malheureusement ma tranquillité fut gâchée à la sortie des mariés par un concert de klaxons et de moteurs rugissants, le marié et ses potes jackys étant membres d'un club de tuning... De vrais beaufs. Heureusement mon dérailleur va mieux, j'ai eu le temps de l'apprivoiser en cours de route, ça ratatouille encore un peu, mais les vitesses passent. J'affinerai demain.
Je trouve un superbe endroit pour passer la nuit, au bord d'un bras de Loire, près d'une forêt, en face des falaises de l'autre rive. Petits conseils de bivouac : utilisez les fils de stabilisation de la tente pour faire sécher vos vêtements et autres. Comme déodorant et désinfectant, la pierre d'Alun (la vraie, potassium alum, surtout pas aluminium alum) est très efficace. Mettez vos poubelles dehors, et si possible à une bonne dizaines de mètres de votre bivouac, ça évitera d'attirer les animaux. Personnellement je prépare et range tout le soir pour être prêt à décoller le plus rapidement possible, ça m'a déjà une fois sauvé la mise, en Slovénie. Pour le vélo, je le cadenasse, et j'attache discrètement les fils de stabilisation de la tente aux rayons des roues. Si un animal ou querlqu'un y touche, ça fera bouger la tente ce qui l'effraiera. Pas envie de me retrouver avec un coup de crocs dans un pneu.
Après un repas un peu extraordinaire grâce au bloc de foie gras qui trainait dans mon frigo à Strasbourg depuis de longs mois, je pars me baigner dans la Loire, nu comme un ver, et c'est un vrai bonheur. Je ne me couche pas trop tard, ayant vraiment besoin de sommeil, en espérant que le froid ne s'invitera pas.
Trop cool le commentaire à Aurec! Il faut croire que c'est une spécialité les mariages quand les cyclistes passent. De mon coté j'avais une le droit à une vision bien sympa. Comme il pleuvait lors de la sortie de la messe, tout ce beau s'était réfugié au bar PMU!!! La grande classe!